Les stratégies d’adaptation de certaines plantes aux tourbières acides oligotrophes.
(Exemples tirés de l’étude écologique de la Tourbière de la Guette)
Les tourbières acides sont extrêmement pauvres en éléments minéraux comme les nitrates ou les phosphates qui constituent la « nourriture » de base des plantes. Un tel milieu est qualifié d’oligotrophe.
Cette oligotrophie est le fait du manque d’oxygène dans le milieu qui est engorgé en permanence. Il est alors très difficile aux micro-organismes de minéraliser la matière organique composée de débris végétaux morts qui s’accumule petit à petit constituant ainsi la tourbe.
Pour pallier cette carence, certaines espèces végétales ont développé au cours de l’évolution, des stratégies d’adaptation particulières…
Créer ses propres conditions de vie
L’exemple le plus emblématique est celui des sphaignes. La France en compte 35 espèces dont la plupart n’existent que sur les tourbières acides. Elles y apparaissent sous la forme de tapis et de coussins de surface et de couleurs variées qui vont du vert franc et vif au rouge bordeaux profond en passant par des ocres et dorés.
Grâce à leur mode de croissance spécial les sphaignes sont essentielles pour la turfigénèse (formation de la tourbe). En effet, les parties basales des plantes meurent alors que la partie supérieure continue de croître indéfiniment. Le manque d’oxygène dû à la saturation en eau et l’acidité du milieu ralentissent fortement la décomposition des parties mortes qui s’accumulent et forment la tourbe. Elles fabriquent ainsi leur propre substrat.
Elles sont passées maîtres dans l’art de créer un milieu qui leur est favorable c’est à dire engorgé et généralement acide : grâce à leur fort pouvoir absorbant elles retiennent une grande quantité d’eau (jusqu'à 40 fois leur masse) qui maintient le milieu humide. Des molécules spéciales contenues dans les parois de leurs cellules captent les minéraux tout en acidifiant le milieu. Elle créent ainsi des conditions de vie difficiles pour les végétaux supérieurs face auxquels elles peuvent être compétitives.
Se nourrir au dépend des autres
Nous venons de voir que les sphaignes sont capables de prélever activement les rares minéraux nécessaires à leur croissance. Certains champignons (la collybie des marais Tephrocybe palustre par exemple) trouvent chez ces mousses une source de nutriments. Il s’agit d’un véritable parasitisme : les hyphes du mycélium possèdent des haustoriums (suçoirs) qui sont fixés dans les tissus d’un ou plusieurs brins de sphaignes et assurent ces fonctions.
La Pédiculaire des bois (Pedicularis sylvatica) va utiliser la stratégie de l’hémiparasitisme. Bien que possédant des feuilles qui lui permettent de photosynthétiser, cette petite plante annuelle a des racines munies de suçoirs qui lui permettent de prélever sur les racines d’autres végétaux supérieurs les minéraux contenus dans la sève brute. Les éléments nutritifs sont, en effet, beaucoup plus concentrés dans la sève brute des plantes que dans l’eau des tourbières.
Adopter un régime alimentaire particulier
Certaines plantes ont su exploiter une autre source d’azote que celle du sol. Les Rossolis (Drosera sp.), fameuses plantes carnivores des tourbières, ont « choisi » d’utiliser l’azote organique des insectes. Grâce à des poils munis de glandes, une feuille de rossolis est capable de piéger un insecte qui se pose dessus en l’engluant. Les rebords de la feuille se replient alors, emprisonnant l'insecte de plus belle. Une enzyme proche de la pepsine sécrétée par notre estomac lui permet de le digérer. La plante absorbe enfin les produits de la décomposition de l'insecte.
Pour ces espèces, tout n’est donc que question d’adaptation. Qualifier un tel milieu d’hostile, aux conditions de vie difficiles, voire extrêmes, est une vision des choses plus agronomique qu’écologique dirons-nous. Tiens ! que dirait une droséra sur une parcelle beauceronne sagement drainée et regorgeant de nitrates ?
(Exemples tirés de l’étude écologique de la Tourbière de la Guette)
Les tourbières acides sont extrêmement pauvres en éléments minéraux comme les nitrates ou les phosphates qui constituent la « nourriture » de base des plantes. Un tel milieu est qualifié d’oligotrophe.
Cette oligotrophie est le fait du manque d’oxygène dans le milieu qui est engorgé en permanence. Il est alors très difficile aux micro-organismes de minéraliser la matière organique composée de débris végétaux morts qui s’accumule petit à petit constituant ainsi la tourbe.
Pour pallier cette carence, certaines espèces végétales ont développé au cours de l’évolution, des stratégies d’adaptation particulières…
Créer ses propres conditions de vie
L’exemple le plus emblématique est celui des sphaignes. La France en compte 35 espèces dont la plupart n’existent que sur les tourbières acides. Elles y apparaissent sous la forme de tapis et de coussins de surface et de couleurs variées qui vont du vert franc et vif au rouge bordeaux profond en passant par des ocres et dorés.
Grâce à leur mode de croissance spécial les sphaignes sont essentielles pour la turfigénèse (formation de la tourbe). En effet, les parties basales des plantes meurent alors que la partie supérieure continue de croître indéfiniment. Le manque d’oxygène dû à la saturation en eau et l’acidité du milieu ralentissent fortement la décomposition des parties mortes qui s’accumulent et forment la tourbe. Elles fabriquent ainsi leur propre substrat.
Elles sont passées maîtres dans l’art de créer un milieu qui leur est favorable c’est à dire engorgé et généralement acide : grâce à leur fort pouvoir absorbant elles retiennent une grande quantité d’eau (jusqu'à 40 fois leur masse) qui maintient le milieu humide. Des molécules spéciales contenues dans les parois de leurs cellules captent les minéraux tout en acidifiant le milieu. Elle créent ainsi des conditions de vie difficiles pour les végétaux supérieurs face auxquels elles peuvent être compétitives.
Se nourrir au dépend des autres
Nous venons de voir que les sphaignes sont capables de prélever activement les rares minéraux nécessaires à leur croissance. Certains champignons (la collybie des marais Tephrocybe palustre par exemple) trouvent chez ces mousses une source de nutriments. Il s’agit d’un véritable parasitisme : les hyphes du mycélium possèdent des haustoriums (suçoirs) qui sont fixés dans les tissus d’un ou plusieurs brins de sphaignes et assurent ces fonctions.
La Pédiculaire des bois (Pedicularis sylvatica) va utiliser la stratégie de l’hémiparasitisme. Bien que possédant des feuilles qui lui permettent de photosynthétiser, cette petite plante annuelle a des racines munies de suçoirs qui lui permettent de prélever sur les racines d’autres végétaux supérieurs les minéraux contenus dans la sève brute. Les éléments nutritifs sont, en effet, beaucoup plus concentrés dans la sève brute des plantes que dans l’eau des tourbières.
Adopter un régime alimentaire particulier
Certaines plantes ont su exploiter une autre source d’azote que celle du sol. Les Rossolis (Drosera sp.), fameuses plantes carnivores des tourbières, ont « choisi » d’utiliser l’azote organique des insectes. Grâce à des poils munis de glandes, une feuille de rossolis est capable de piéger un insecte qui se pose dessus en l’engluant. Les rebords de la feuille se replient alors, emprisonnant l'insecte de plus belle. Une enzyme proche de la pepsine sécrétée par notre estomac lui permet de le digérer. La plante absorbe enfin les produits de la décomposition de l'insecte.
Pour ces espèces, tout n’est donc que question d’adaptation. Qualifier un tel milieu d’hostile, aux conditions de vie difficiles, voire extrêmes, est une vision des choses plus agronomique qu’écologique dirons-nous. Tiens ! que dirait une droséra sur une parcelle beauceronne sagement drainée et regorgeant de nitrates ?
Fabrice Bosca