La Cistude d'Europe
La Cistude d’Europe, qu’est-ce que c’est ? Un nouveau concept ? Une nouvelle tendance ? Eh bien non, c’est une espèce de tortue que vous avez peut-être déjà aperçue en Sologne !
Elle fait partie des deux seules espèces autochtones de tortues d’eau douce présentes dans certaines régions de France et d’Europe. On la trouve dans des zones d’eau douce, comme les étangs et les cours d’eau lents, où elle se prélasse au soleil sur un arbre immergé ou flotte simplement à la surface de l’eau.
Quelle vie difficile, me direz-vous !
La conservation de l'espèce
La Cistude est inscrite sur la liste rouge de l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), qui évalue le statut de conservation des espèces. Au niveau européen, la Cistude est classée parmi les espèces « quasi menacées », au niveau national « préoccupation mineure » et au niveau régional « quasi menacées ».
On observe effectivement une régression de sa population, notamment en Sologne. Les causes principales sont le changement climatique, la destruction de son habitat naturel, principalement due aux activités humaines, ainsi que la concurrence avec la tortue de Floride, originaire des États-Unis, qui prolifère en France.
Depuis 2008, Sologne Nature Environnement a mis en place un programme d’étude en partenariat avec la DREAL Centre et l’Europe. Ce programme s’inscrit dans le cadre du « Plan National d’Action en faveur de la Cistude d’Europe », débuté en 2009 et décliné dans la région Centre.
De nombreux inventaires ont été effectués depuis le début du programme. Mais qu’est-ce qu’un inventaire ? Cela consiste à répertorier les individus d’une espèce afin d’étudier son évolution et ses problématiques. L’objectif est également de mettre en place, si nécessaire, des programmes pour aider à leur préservation. Ce sont les chargés de missions naturalistes de Sologne Nature Environnement qui sont responsables d’en réaliser un certain nombre en fonction des directives et des subventions.
Retrouvez la liste des différentes espèces inventoriées par SNE en cliquant ici !
Je vous propose maintenant de passer à l’étape pratique et d’aller à la rencontre de ce charmant petit animal ! Enfilez vos waders (ces grandes bottes très utiles en Sologne pour aller dans l’eau et dans la vase) et suivez-nous !
L'installation des pièges
Rendez-vous de bon matin chez un particulier qui possède un étang. Le premier jour, 14 nasses et 5 verveux sont installés sur le pourtour de l’étang. À l’intérieur, un appât est accroché dans une boule à thé. Une petite infusion qui semble bien plaire à ces gourmandes ! Les Cistudes mangent principalement des cadavres de poissons, mais en période de recensement, c’est foie de volaille pour tout le monde ! L’objectif est de capturer les Cistudes pour les étudier puis de les relâcher.
La capture
Accompagnées par le vol d’un martin-pêcheur et la douce mélodie des grenouilles, nous entamons notre immersion dans l’étang. Il est temps de relever les nasses installées la veille. Si elles sont vides, nous les remettons directement en place, si elles sont pleines (d’amphibiens, de poissons, d’insecte, ou de mammifères) nous inscrivons leur nombre et leur espèce. S’il y a une ou des Cistudes, c’est le jackpot !
Au bout de la troisième nasse c’est le coup de foudre : nous découvrons notre 1er individu, que nous nommerons 47. Tant de formes, de couleurs et de textures différentes sur un seul et même animal : la nature est bien faite. Si bien faite, qu’on pourrait le confondre avec un très joli galet !
Il faut savoir que la Cistude est totalement inoffensive pour l’homme, mais possède des petites griffes bien aiguisées. C’est toute une technique pour la manipuler et procéder à son identification.
L'identification de la Cistude
Armés de leur carnet, règle, balance, scie, appareil photo et d’un remarquable sens de l’observation, nos naturalistes identifient chaque individu. Ils relèvent les différentes données de l'animal et remplissent un formulaire, qui devient sa carte d’identité.
Elle peut atteindre jusqu’à 20 cm et, selon son âge et son sexe, sa physionomie diffère. On peut connaître son âge grâce à plusieurs éléments comme sa taille, en mesurant la longueur et la largeur de la carapace, appelée « dossière » sur le dessus et « plastron » en-dessous ou en se référent à la clarté de la ligne centrale du plastron, plus cette ligne est claire, plus l’individu est jeune.
Elle devient adulte tardivement : le mâle atteint sa maturité sexuelle entre 6 et 7 ans, la femelle entre 7 et 8 ans, et leur espérance de vie peut atteindre 60 ans. L’âge auquel elle est devenue adulte peut être déterminé grâce au nombre de stries de croissance sur les écailles du plastron. Le sexe de la Cistude se détermine par la forme de la queue (plus enflée chez le mâle) et du plastron (plat chez la femelle et concave chez le mâle).
Une fois la fiche d’identité remplie, il faut procéder au marquage de la Cistude. Chaque écaille a un nombre prédéfini par les naturalistes (celles de gauche pour les dizaines). À l’aide d’une petite scie, un minuscule morceau de la carapace est entaillé selon le chiffre choisi. Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas douloureux pour la Cistude !
Après le marquage, l’individu est photographié pour en garder une trace. Vient alors le meilleur moment pour nos naturalistes : la remise en liberté. « Au revoir, petite Cistude ! »
Le cycle de vie de la Cistude
Il faut savoir que l’accouplement a lieu entre avril et mai, dans l’eau ! La ponte, quant à elle, se déroule entre juin et juillet dans un milieu ouvert (terrestre) aux alentours du point d’eau. L’éclosion a lieu entre début septembre et mi-octobre, ou au mois de mars. Durant la phase d’éclosion, les jeunes sont des proies faciles pour les prédateurs.
Dès le début de l’automne, la Cistude hiverne à terre sous une importante couche de vase ou de végétaux pour échapper au gel. Une bonne couette pour cette frileuse qui dormira jusqu’au retour des beaux jours !
Ne confondez pas !
Une autre tortue fréquente régulièrement la Cistude : la Tortue de Floride. Cette espèce originaire des États-Unis, largement adoptée comme animal de compagnie, devient au fil du temps très gênante. Pour s'en débarrasser, on la relâche souvent dans la nature, sans se soucier de l'impact sur la faune locale. De nos jours, la Tortue de Floride concurrence fortement la Cistude et menace sérieusement son avenir. Pour différencier ces deux espèces, notez que la Cistude a des tâches jaunes sur la tête et le cou et n'a pas de tâches rouges sur les tempes.
Les informations pratiques
Si vous trouvez une tortue sur le bord d’un chemin ou d’une route, ne la déplacez pas. Les Cistudes effectuent des déplacements pour rejoindre des étangs favorables à la reproduction et des prairies propices à la ponte. Elles ne sont pas perdues.
Afin de nous aider dans notre étude, vous pouvez nous signaler tout individu aperçu à l’aide de l’adresse suivante :
Pourquoi nous l'étudions ?
- Evaluer la répartition de la Cistude d’Europe et ses effectifs en Sologne.
- Améliorer les connaissances sur l’espèce (habitats, répartition, dynamique de population).
- Connaître l’origine génétique des individus présents en Sologne.
- Etudier la capacité de dispersion des individus à partir des étangs les abritant et préserver ou restaurer les corridors écologiques.
- Evaluer les menaces et proposer des mesures de conservation de l’espèce.
- Sensibiliser le grand public, les propriétaires et les acteurs de l’environnement à la préservation de l’espèce.